Le futur est mort. Vive le futur !

75 % des jeunes pensent que le futur est effrayant. C’est ce que révèle une enquête d’ampleur réalisée en 2021 auprès de 10 000 jeunes de 16 à 25 ans dans une dizaine de pays, dont la France. Ont-ils raison d’avoir peur ? Pouvons-nous leur donner tort ? Là n’est pas la question car ils n’affirment rien ici, excepté un ressenti, une intuition, que personne ne peut nier ou contredire. Leurs craintes sont bien présentes, très prégnantes, trop préoccupantes…

 

Scène d’un enterrement tirée du film X-Men : Dark Phoenix.

 

Une des raisons qui explique cette méfiance est que nous vivons dans un monde qualifié de VUCA par les experts : volatil, incertain, complexe et ambigu.

Dans ce contexte, impossible de mettre en doute la difficulté des jeunes générations à se projeter.

Comme le disait si bien Sacha Guitry, on parle beaucoup trop aux enfants du passé et pas assez de l’avenir, c’est-à-dire trop des autres et pas assez d’eux-mêmes.

 

Photographie de Sacha Guitry.

 

C'est pourquoi il est grand temps d'offrir aux jeunes en général et aux étudiants en particulier un cadre propice aux échanges sur les enjeux du présent afin qu'ils puissent se saisir à bras-le-corps de leur avenir.

C’est précisément pour cela que nous avons fondé le Design Fiction Studio. Pour explorer avec eux de nouveaux horizons, à l’incertitude enthousiasmante.

Pour se servir de la prospective afin d’ouvrir des perspectives…

 
 

Les temps sont durs

Notre présent est en crise. Nous sortons d'une crise sanitaire. Une crise politique et sociale est en cours. Nous sommes en pleine amorce de crise écologique et la crise économique n'est pas à exclure.

Pour remédier à cette morosité ambiante, nous pourrions nous tourner vers l’avenir en nous réfugiant dans l’espoir d’issues favorables.

Attendre patiemment le fameux monde nouveau qui nous a été promis. S’accrocher au postulat d’un futur meilleur qui nous serait transmis.

 

Le contexte politique et social en France est tendu depuis plusieurs années, qu’il s’agisse du mouvement des Gilets jaunes, des manifestations contre la réforme des retraites ou des émeutes suite à la mort de Nahel. © Pierre Rouanet

 

Cette douce illusion s’estompe dès l’instant que nous cherchons à la faire naître, tant nous semblons limités par des projections toujours plus inquiétantes, loin d’être réjouissantes.

Voici pourquoi nous nous sentons bloqués dans un présent en crise, anxieux à l’idée de se faire inexorablement happer par un futur encore plus problématique.

Nous pouvons donc affirmer que les temps sont durs. D’autant plus durs que nous sortons d’une période extraordinairement prospère et paisible.

 

Scène de Thank God It's Doomsday, le 19ème épisode de la saison 16 de la série télévisée Les Simpson, créée par Matt Groening.

 

Pour reprendre une maxime populaire :

Les temps difficiles créent des hommes forts.

Les hommes forts créent des temps prospères.

Les temps prospères créent des hommes faibles.

Les hommes faibles créent des temps difficiles.

À défaut d’interrompre ce mécanisme cyclique, nous devons collectivement définir où nous nous situons.

 

Illustration d’un Ouroboros (serpent qui se mort la queue), symbole de mécanisme cyclique et d’éternité, présent dans plusieurs cultures, sur tous les continents.

 

Si nous considérons que nous sommes encore dans un monde prospère régi par les codes de l’abondance, les temps à venir risquent d’être difficiles.

À l’inverse, admettre que nous entrons dans une époque difficile témoignerait de notre prise de conscience des défis que nous allons devoir surmonter.

Nous pourrions alors tenter de nous adapter et entrevoir une porte de sortie vers un futur plus radieux, qu’il nous faudrait inventer.

 

Représentation allégorique d’une corne d’abondance.

 

En haut : scène apocalyptique du film Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, sorti en 2017. En bas : Photographie non retouchée prise par Philip Pacheco à San-Francisco lors de puissants incendies en 2020.

 

Faisons le deuil du futur

En 2020, à cause des incendies, les lueurs orangées du ciel californien ont rivalisé avec les scènes post-apocalyptiques de films hollywoodiens, comme Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve.

L’année suivante, les clichés pris lors de l’assaut du Capitole n’avaient rien à envier au film Idiocracy de Mike Judge. En bref, la réalité rattrape de plus en plus la fiction.

 

Images générées par intelligence artificielle (Midjourney).

 

Depuis quelques mois, nous voyons fleurir de plus en plus d’images générées par l’intelligence artificielle. Le pape François se pavane dans les rues du Vatican avec une doudoune haute couture plus vraie que nature.

Pendant la récente grève des éboueurs, Emmanuel Macron enfile ses gants et un gilet jaune pour ramasser lui-même les ordures. En bref, la fiction rattrape de plus en plus la réalité.

 

Cette atténuation de la frontière entre le réel et le fictif a de nombreuses conséquences. L’une d’entre elles est que nous assistons à une panne des imaginaires.

Comme notre société est souvent obsédée par les problèmes immédiats et les préoccupations du présent, notre capacité à envisager des futurs alternatifs et à stimuler notre imagination est limitée.

D’autant plus limitée que certains des imaginaires qui nous ont forgés sont en train d’être remis en cause.

 

Image de la couverture du n°383 du magazine Capital paru en 2023, sur le thème “Comment nous vivrons en 2035”. Cette vision du futur, ultra caricaturale, est inlassablement ressassée et domine toujours nos imaginaires.

 

Nous avons notamment été biberonnés, conditionnés et formatés par des visions du futur qui sont aujourd’hui caduques.

Kenneth E. Boulding le résume à merveille : celui qui croit qu'une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.

Ces représentations du futur sont dangereuses. Elles ont éveillé chez nous des attentes déraisonnées et de fausses promesses.

 

Vue d’artiste de The Line, un projet de ville intelligente futuriste situé à Neom, en Arabie saoudite.

 

« Celui qui croit qu'une croissance infinie peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »

— Kenneth E. Boulding

 

À cause d’elles, nous sommes pétris d’injonctions contradictoires, tiraillés entre les paradoxes qui surgissent parfois de nos pensées et de nos actions.

D’après Albert Einstein, il ne faut pas compter sur ceux qui ont créé les problèmes pour les résoudre. Nous ajoutons qu’il ne faut pas non plus compter sur leur manière de voir l’avenir.

Il faut arrêter de croire le slogan de Margaret Thatcher : “There Is No Alternative”, qui signifie que toute initiative qui prend une autre voie que le capitalisme et la mondialisation court à l'échec.

 

Illustration de l’expression “There Is No Alternative” prononcée par Margaret Thatcher.

 

Nous devons faire table rase de ces représentations dépassées du futur. Nous devons faire le deuil de ce futur expansionniste, accapareur et individualiste.

Celui qui contribue à pérenniser les failles de notre présent. Celui que nous voyons aujourd’hui encore trop souvent dans les articles de presse, au journal télévisé ou sur notre plate-forme de streaming préférée.

 

Scène du film À la poursuite de demain, réalisé par Brad Bird en 2015 et produit par Walt Disney Pictures.

 

Scène extraite du dessin animé La Reine des neiges, sorti en 2013 et produit par Walt Disney Animation Studios.

 

Renouvelons le futur

Pour vaincre cette panne des imaginaires, le design fiction peut jouer un rôle crucial dans cette démarche, en nous invitant à repousser les limites de notre pensée conventionnelle et de notre compréhension du monde.

En créant des récits et des expériences tangibles qui reflètent nos aspirations, nous pouvons réveiller notre imagination et susciter un engouement renouvelé pour le futur. Cela nécessite de remettre en question les normes établies en valorisant la diversité des perspectives.

 

Scène extraite du dessin animé Merlin l'Enchanteur, réalisé par Wolfgang Reitherman en 1963 et produit par Walt Disney Pictures.

 

Le design fiction donne les outils nécessaires pour appréhender le futur tout en prenant du recul sur le présent. Grâce à lui, vous deviendrez les narrateurs de vos propres histoires et les concepteurs de vos propres solutions. Vous éclairerez la complexité des enjeux actuels en questionnant les conséquences de potentielles évolutions futures. Vous ouvrirez le débat sur les dangers qui nous menacent en anticipant les mutations de notre époque.

 

Dessin d’illustration de l’opposition entre l’utopie et la dystopie (source inconnue).

 

Le design fiction évite de tomber dans le piège d’une projection trop caricaturale dans le futur. Où d’un côté, il y a les visions sombres, apocalyptiques et dystopiques. De l’autre, les récits enthousiasmants, désirables et utopiques. La réalité se situe pourtant toujours à la frontière de ces deux mondes.

Nous ne croyons pas au techno-solutionnisme ambiant que les cornucopiens défendent. Pas plus qu’à un effondrement soudain et brutal annoncé par certains collapsologues. Nous sommes cependant convaincus que de profonds changements sont actuellement à l’œuvre.

C’est pourquoi nous animons des formations où les participants conçoivent des expérimentations ambigües, équivoques et complexes, qui ne cherchent pas à dépeindre un rêve ou un cauchemar mais à nous préparer aux potentialités de l’à venir, avec lucidité et responsabilité.

 

Vous souhaitez organiser une formation au design fiction avec vos étudiants ou vos collaborateurs ?